vendredi 9 décembre 2011

L'INTIMIDATION EN MILIEU SCOLAIRE- RÉACTION À LA POSITION DE LA SOCIÉTÉ DE CRIMINOLOGIE

Je suis ahuri par cet article de la Société de criminologie du Québec qui porte en titre : POUR ÉVITER DE TRANSFORMER LES ÉLÈVES EN CIBLES.  La trousse BRISE LE SILENCE qu'elle a préparée et qui s'adresse aux victimes et aux témoins m'apparaît irrecevable. C'est comme si l'on demandait à un quadraplégique de marcher ou à un mafioso de parler. J'aime à imaginer que la criminologie comprend que l'intimidé est l'enfant réduit au silence et que sa parole est plutôt rarissime. Sans quoi, il ne serait pas « intimidé ». J'ajoute : on a vu dans le passé des publicités dans les journaux pour inciter les analphabètes à s'inscrire à des cours d'alphabétisation; on a vu aussi  dans le passé des publicités pour inciter les enfants victimes d'inceste ou d'abus sexuel à dénoncer leur agresseur. Dans ces deux cas, il est apparu évident que les victimes sont davantage marginalisées, voire culpabilisées par ces actions mal ciblées. Je place l'article actuel publié dans le devoir du 10 décembre et la trousse BRISE LE SILENCE de la Société de Criminologie du Québec dans le même lot. Ils transforment davantage les élèves fragiles en cibles malgré sont titre « pieux ».

Je suis aussi ahuri car en aucun endroit cet article n'évoque le mot crime pour parler d'intimidation. Si la criminologie ne le fait pas, qui le fera? Les enfants doivent apprendre absolument que dans la société adulte - celle démocratique et dite de droit dans laquelle ils vivent comme enfants et vivront comme adultes - la menace à l'intégrité physique ou psychologique est considérée comme le pire crime qui soit, un crime contre la personne. On doit faire comprendre aux enfants et adolescents qu'il n'y aurait pas de société sans que la sécurité des citoyens soit assurée. C'est une notion fondamentale. La Société de criminologie, si elle veut s'impliquer adéquatement  doit faire la  promotion d'une école qui s'inscrit  dans une société démocratique, une société de droit!

Je suis ahuri car c'est une intervention pour demander que soit ajouté des ressources professionnelles, comme des criminologues, dans les écoles et que, pratiquement, il n'y a aucune interpellation des adultes de l'école avant la dixième ligne de la fin de l'article. Ahurissant! Les premiers qui dans l'école doivent briser le silence, ce sont les adultes qui y sont. S'il y en a parmi eux qui n'ont pas vu que, dans l'école, la violence et l'intimidation a cours, ils doivent être considérés comme des complices aveugles. S'il y en a d'autres qui ont vu et ne sont pas intervenus pour assurer la sécurité des intimidés, ils doivent se considérer comme des complices de la violence et modifier drastiquement leurs attitudes. L'école est un lieu de violence brute, je veux dire que la violence est à son état naturel au départ, car les enfants ne sont pas encore complètement civilisés quand ils y viennent.  Ils y viennent justement pour apprendre la culture civilisée de notre société. L'école est le lieu où les enfants rencontrent des adultes et sont accompagnés par ceux-ci pour devenir eux-mêmes des adultes civilisés. Tout plan ou programme scolaire visant la diminution de l'intimidation et de la violence passe en premier lieu par les adultes qui y sont. Ils doivent porter le message de la société démocratique et de la société de droit.

Je suis ahuri car il n'y a aucun geste éducatif de proposer dans cet article qui se veut une suite quelque peu pompeuse de conseils pour l'école. Pour celles et ceux qui réfléchissent un peu plus loin en termes criminologique de « justice réparatrice » ou d'éducation tout simplement, je me permets de rappeler que l'éducation dans ce domaine de l'intimidation passe par la "réparation" des gestes de violence posées par les enfants ou adolescents.  L'offenseur doit être appelé à réparer le geste d'intimidation qu'il a posé tant auprès de sa victime qu'auprès de l'ensemble du groupe, particulièrement le groupe qui en a été témoin. Ici, on doit comprendre et faire comprendre aux enfants et aux adolescents qu'un geste de violence blesse la victime et toute la communauté, car les liens de confiance nécessaires pour vivre ensemble ont été rompus. Ces liens doivent être restaurés et cette voie de réparation est d'autant plus évidente qu'il s'agit d'une école, un  lieu fait pour l'apprentissage.  La proposition que fait la Société de criminologie d'inciter les témoins de violence à marginaliser l'agresseur pour l'empêcher de récidiver est d'une grande pauvreté. Comme je trouve d'une grande pauvreté celles et ceux qui souhaitent qu'on n'oublie pas de traiter les agresseurs. Pour ma part, je demande simplement et prioritairement qu'on fasse de l'éducation avant de passer à la thérapie. Et éducation veut dire ici « réparation » d'erreurs, comme si souvent d'ailleurs. Et, à bien y penser, la plupart du temps en éducation.

Enfin, la prévention du taxage et de l'intimidation proposée par l'article de la Société de criminologie est une proposition qui sème la confusion. On utilise ce terme  populaire de prévention, en médecine ou en gestion sociale, mais il est particulièrement inadéquat pour parler de la violence qui a cours dans l'école. L'école est un milieu naturellement violent conçu pour civiliser les enfants. Cela ne se prévient pas. Les errements qui se manifestent dans l'école sont des opportunités d'éducation. Les enseignants doivent assumer cette responsabilité éducative au premier chef. 

Je suis déçu de cet article de  la Société de criminologie et j'ai la conviction qu'il ne reflète pas l'opinion de la majorité des professionnels qu'elle regroupe.

le 9 décembre 2011

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